DIOSCORÉALES

DIOSCORÉALES
DIOSCORÉALES

Les Dioscoréales sont des plantes monocotylédones des régions intertropicales et tempérées de l’Ancien et du Nouveau Monde, qui groupent des herbes et des lianes formant des rhizomes ou des tubercules.

L’ordre est divisé en quatre familles dont la plus importante, numériquement et économiquement, est celle des Dioscoréacées. En effet, les tubercules, consommés sous le nom d’ignames, assurent l’alimentation de base de nombreuses populations d’Afrique, d’Asie et d’Amérique tropicales.

Étude d’un type: le tamier

Le tamier (Tamus communis ) est une liane dont la tige volubile s’élève à 3 - 4 mètres dans les haies, les bois et leurs lisières. Plante grimpante sans vrille, elle s’accroche grâce à un mouvement révolutif (circumnutation) qui s’effectue toujours dans le sens des aiguilles d’une montre.

Les feuilles sont alternes, cordiformes, acuminées avec une nervation en réseau issue de trois à neuf nervures principales.

Le tamier est dioïque, ce qui signifie que les individus sont unisexués. Les pieds mâles portent à l’aisselle des feuilles au moment de la floraison des groupes d’épis à petites fleurs jaune vert. Ces fleurs sont composées de six pièces périanthaires (3 sépales + 3 pétales) et six étamines introrses. Les plantes femelles produisent des inflorescences plus courtes dont les fleurs également modestes se composent de six pièces semblables (tépales) autour d’un ovaire infère, triloculaire à placentation axile, avec deux ovules par loge.

Les feuilles jaunissent et tombent au moment de la maturation des fruits. Ce sont des baies rouge vif de 10 à 12 mm de diamètre contenant jusqu’à six graines. Ces baies sont vénéneuses. Elles contiennent des raphides (fines aiguilles d’oxalate de calcium) et des saponosides. Ingérées par des enfants, elles entraînent la paralysie et des irritations gastro-intestinales graves. La pulpe contient aussi une substance dialysable (poids moléculaire 2250) inhibitrice de la germination. Il existe également des produits assurant la dormance dans la graine elle-même.

Les tiges naissent d’un tubercule vivace, d’origine caulinaire, qui peut dépasser 25 à 30 cm de long. Ce rhizome d’aspect noirâtre contient beaucoup d’amidon, un mucilage abondant, de nombreuses raphides, des saponosides (diosgénine) en faible quantité et aussi une substance agissant comme l’histamine. Son emploi en usage externe lui a valu son nom d’«herbe à la femme battue» car il traite les contusions et les rhumatismes en cataplasmes et frictions. Il peut provoquer des accidents, des dermites et, par ingestion accidentelle, des irritations du système digestif. La rubéfaction est due à l’action mécanique des raphides, à laquelle s’ajoute l’effet de la substance histaminique. Le tamier est une espèce commune en France (sauf dans les Vosges), en plaine jusqu’à 1 000 mètres. Elle est répandue dans la majorité de l’Europe et dans les régions circumméditerranéennes.

Les Dioscoréacées

Les Dioscoréacées ont un habitat très divers: forêts équatoriales ombrophiles, ou même forêts semi-marécageuses temporairement inondées; forêts claires et savanes avec des espèces résistant aux feux; régions sèches (Testudinaria ); zones tempérées (Corée, Japon, Mandchourie, Argentine, etc.); hautes altitudes (espèces alpines).

Le genre Dioscorea , le plus abondant, présente une grande diversité et paraît être en pleine évolution. Le nombre élevé des espèces (environ 600), le port varié (lianes de 40 m de long ou plantes rampantes de quelques centimètres), la gamme des aspects morphologiques (plantes épineuses ou non, feuilles simples ou composées, etc.), le polymorphisme de l’appareil souterrain confirment ce point de vue.

L’appareil végétatif

L’appareil végétatif aérien est, en règle générale, annuel mais plusieurs espèces sont vivaces. Les tiges minces et volubiles sont soit dextrorses, soit sinistrorses. Les mouvements de circumnutation peuvent être rapides. Quelques espèces (D. alata ) ont des tiges ailées; d’autres (D. minutiflora ) ont la possibilité de s’enraciner et de tubériser aux nœuds de base.

Les feuilles sont alternes ou opposées, parfois sur le même pied. Elles sont entières, plus ou moins lobées ou composées palmées (fig. 1). Le limbe, généralement cordiforme, est porté par un long pétiole renflé à ses deux extrémités; il se termine par un acumen portant des glandes qui contiennent des bactéries symbiotiques fixatrices d’azote (échappent à cette règle les espèces des zones tempérées). À sa base on observe parfois des replis abritant des acariens (acarodomaties).

Plusieurs espèces forment des tubercules aériens, toxiques ou comestibles, plus ou moins volumineux (leur poids varie de 0,15 à 200 g).

Outre les racines, le système souterrain comprend des organes de réserve (rhizomes, tubercules annuels ou vivaces) d’une grande variété d’aspect et de poids (plus de 60 kg). Chez D. esculenta , les tubercules sont au nombre d’une quarantaine et sont protégés de la convoitise des animaux fouisseurs par des racines épineuses dont l’apparition coïncide avec leur formation. La protection des tubercules est encore réalisée par la constitution d’un épais plateau ligneux, par le profond enfouissement des organes, par l’accumulation de poisons actifs. Les tubercules sont soumis à une dormance plus ou moins prolongée.

L’appareil reproducteur

Les fleurs sont groupées en épis ou en grappes de cymules scorpioïdes ou hélicoïdes pouvant se réduire à une seule fleur. Ces épis, à géotropisme positif ou négatif (D. Mangenotiana ), sont réunis en bouquets eux-mêmes étagés le long des tiges.

Les fleurs petites (1 à 8 mm) sont unisexuées (fig. 2), les pieds étant dioïques, ou parfois monoïques. Le diagramme floral des fleurs mâles répond à la formule: 3 sépales + 3 pétales + 3 à 6 étamines introrses ou extrorses + ovaire rudimentaire. Le cycle interne d’étamines peut être réduit à des staminodes. Les pièces périanthaires sont libres ou plus ou moins unies (tendance à la gamophyllie). Les fleurs femelles possèdent 3 sépales + 3 pétales + 0 à 6 staminodes + 3 carpelles. L’ovaire infère, triloculaire, renferme deux ovules superposés par loge.

La pollinisation est anémophile ou entomophile et dans ce cas est effectuée par des insectes nocturnes. Les croisements entre espèces proches paraissent fréquents. Ils conduisent à la naissance de nombreuses formes, d’où la difficulté de circonscrire les espèces de certaines sections.

Les fruits sont des capsules, des samares ou des baies. Les graines albuminées ont souvent une aile circulaire ou développée sur un ou sur deux côtés.

Le fruit permet, suivant les conceptions, de reconnaître trois à six genres: capsule trigone des Dioscorea sensu lato comportant des plantes grimpantes (Dioscorea sensu stricto , pantropical, et Testudinaria ) et des plantes naines, alpines (Borderea des Pyrénées et Epipetrum du Chili); samare des Rajania des Antilles et de la Trinité; baie des Tamus , l’«herbe aux femmes battues», des régions méditerranéennes et tempérées, des Canaries.

Cytologie

Les nombres chromosomiques connus s’échelonnent de 20 à 140, avec comme valeurs de base n = 10, 12, 13 et 18. À l’intérieur d’une même espèce ont été déterminées des séries polyploïdes: D. Cayenensis , 18, 36, 54; D. dumetorum , 36, 45, 54; D. alata , 38, 40, 52, 66, 81. Plusieurs auteurs (Meurmann, Nakajima) ont évoqué l’existence des chromosomes sexuels mais il ne s’agirait que d’anomalies méiotiques (Jensen).

Intérêt économique

Les ignames constituent, pour des millions d’habitants des régions tropicales, une ressource alimentaire essentielle. Une dizaine d’espèces sont cultivées dont certaines jouent un rôle important (D. alata, D. Cayenensis, D. rotundata , etc.).

Leur culture est née indépendamment en plusieurs régions: Chine, Japon; Sud-Est asiatique; Afrique occidentale; nord de l’Amérique du Sud. Des migrations ont permis la diffusion des espèces loin de leurs lieux d’origine, par exemple D. alata d’Asie en Afrique, D. Cayenensis d’Afrique en Amérique centrale et méridionale.

Les ignames furent vraisemblablement d’abord des produits d’arrachage, ultérieurement ennoblis. À la protoagriculture fit place une agriculture perfectionnée. De nombreuses variétés, ou cultivars, furent créées pour répondre à des exigences diverses. En Afrique occidentale, leur culture est le fait des ethnies parlant les langues kwa et habitant les territoires s’étendant de la Côte-d’Ivoire au Cameroun. Ces populations, parmi lesquelles se sont développés les grands empires de la zone forestière de l’Ouest africain, possèdent des coutumes, des traditions, des mœurs particulières, ce qui a fait dire qu’il existait une civilisation de l’igname (Miège).

Les tubercules sont comestibles ou toxiques suivant les espèces et même suivant les variétés. On distingue les ignames comestibles, sources nutritives dont la composition chimique se révèle assez voisine de celle des pommes de terre avec une forte proportion d’amidon (de 20 à 27 p. 100) et une quantité de protéines faible mais non négligeable. Les vitamines, surtout la vitamine C (acide ascorbique), sont relativement abondantes. Les ignames, dont on tire des médicaments, contiennent des principes toxiques et même mortels de trois types: des alcaloïdes, dont la dioscorine qui provoque la paralysie du système nerveux central, et la dihydrodioscorine qui agit comme poison convulsant; des tanins (10 à 40 p. 100 du poids sec); des sapogénines dont la diosgénine paraît avoir un grand intérêt pharmaceutique pour la préparation de divers stéroïdes, en particulier de la cortisone et des hormones de synthèse.

Affinités et ancienneté des Dioscoréales

Les Dioscoréales se caractérisent par leurs fleurs de dimensions modestes, de deux verticilles de trois pièces: un androcée de 3 à 6 étamines, un ovaire infère et triloculaire; mais il existe quelques exceptions à cette règle.

En effet certaines ont des fleurs hermaphrodites avec un ovaire semi-infère ou supère (Roxburghiacées) ou infère (Sténoméridacées et Trichopodacées). Les Dioscoréales sont considérées comme proches des Liliacées et placées, comme elles, parmi les Liliiflores; Burkill les apparente aux Asparagoïdées. Compte tenu de leur ovaire infère, d’autres botanistes leur trouvent des affinités avec les Amaryllidacées ou encore les Taccacées qu’Emberger inclut d’ailleurs dans le même ordre. On les a rapprochées aussi des Aristolochiacées. De toute façon, elles ont des relations phylogénétiques avec les Polycarpiques et dériveraient, comme celles-ci, des Protoranales. Pour appuyer cette manière de voir, on peut souligner (Miège) qu’elles offrent des points communs avec les Ménispermacées: plantes grimpantes, dioécie, trimérie des fleurs, graines albuminées, etc. La principale différence réside dans la position de l’ovaire, supère chez les Ménispermacées, mais les Roxburghiacées font la transition. Des fossiles découverts dans le Crétacé du Groenland sont sujets à discussion et les paléontologistes ne savent trop à laquelle des deux familles les attribuer (par exemple, le genre Macclintockia ).

Les Dioscoréales ont, le plus souvent, des traits communs avec les Dicotylédones: présence éventuelle de deux cotylédons, de deux préfeuilles; nervation réticulée des feuilles; pollen issu de divisions simultanées.

Les Protodioscoréales seraient apparues au Jurassique. Les types primitifs devaient être hermaphrodites, à ovaire supère multiovulé, rhizomateux; ils auraient évolué pour donner des formes dioïques, à ovaire infère à deux ovules par loge, tubéreuses. Au Crétacé, la famille des Dioscoréacées se serait répandue, à partir de l’Asie, son berceau, en Afrique et en Amérique où des centres secondaires de diversification se sont constitués. D’autre part, les glaciations ont rejeté les Dioscorea hors d’Europe, à l’exception de rares espèces qui ont persisté dans des refuges très circonscrits (D. Pyrenaica dans les Pyrénées, D. Balkanica en Albanie, D. Caucasica ).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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